et que l’appel a même devancé l’invitation à écrire la Missa Solemnis[1]. On s’expliquerait que, mieux qu’aucun des autres Hymnes, il ait le caractère « Du cœur — au cœur ! », que nous annonce la suscription. Il a dû jaillir, d’une seule coulée. Dans la peinture, point de « repentir » ! Son unité est sans défaut. Et jamais Beethoven n’a été plus sobre dans l’expression de la grandeur et de l’émotion... « Assai sostenuto. (Mit Andacht.) » — ces deux indications préliminaires : « Très soutenu (avec recueillement) » — pourraient se fondre en un seul mot : « Concentration ». Toutes les forces de l’esprit sont ramassées en une pensée.
Un seul accord puissant, tenu et répété. Ce même accord en ré majeur[2], par lequel débute, dans les mêmes termes,
1. Le motif : fa — si — la — sol — fa, qui s’expose, dans l’orchestre, dès les mesures 4-7 de l’Introduction au Kyrie, germinera, par toute l’œuvre, jusqu’à la fin, sous des formes variées. — On l’entrevoit, par lambeaux, dans les esquisses d’un eleison, que j’ai signalées dans un cahier des premiers mois de 1818 (Vcrôffentlichungen des Beethovenhause-s in Bonn, i’asc. VI, p. 12 et suiv.) — et même, au travers de l’Amen, qu’il griffonne à Yincenz Hauschka, dans sa lettre d’avril 1818. — W. Riczler le rapproche du motif du Kyrie dans la Messe du pape Marcel, de Palcstrina. Mais si le dessin des notes est apparenté, l’accent émotif est, chez Beethoven, bien différent.
2. La tonalité de ré majeur, qui sera aussi celle de YOde à la Joie, semble associée, dans le subconscient de Beethoven, aux émotions les plus solennelles, à une sorte de lyrisme impersonnel : c’est un ton d’épopée — (Cf dans l’étude Ilans Boettciîer : « Beethoven als Liedirhomponist ». le chapitre consacré au « Choix des tonalités ».)