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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/414

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BEETHOVEN

ressources associées de l’art aux cent bras de Beethoven, cette multiple étreinte d’un sujet dramatique, pénétré à la fois du dehors et du dedans, ce réalisme spiritualisé qui représente ensemble l’action scénique et ses retentissements dans l’âme qui la contemple et qui médite. Sur un tout autre plan est construit le Crucijixus de J.-S. Bach. Il est, en face du Crucifix, une vaste et calme Déploration, qui se déroule lentement sur la descente chromatique d’une « Lasse obstinée », se répétant douze fois sans altération ’, et, à la treizième, s’acheminant vers une autre conclusion, qui ouvre la porte au : « Resurrexit ». Beethoven ne dresse pas le Crucifix, devant la communauté des croyants. Il représente la Crucifixion, à la manière des grands peintres flamands, qui sont de sa race ; mais, mieux servi par son art, il dispose à la fois de la simultanéité et de la succession du mouvement. On entend et on voit, à la fois, les coups de marteau sur la croix, et la foule (l’Ame) frémissante, qui s’accuse douloureusement, le : « pro nobis », répété par les « soit » et par le choeur, comme un remords. La belle plainte : « passus » circule d’une voix à l’autre, puis les rassemble en gémissant, sur les sanglots Le type de ces « hassi ostinati », su ; un rythme de danse lente, employé pour les chants de deuil, est bien connu, depuis le xvie siècle. J’en ai cité de beaux exemples dans l’opéra italien du xvne siècle (notamment chez Bontempi) ; et le prolongement s’en étend jusqu’à Mozart, dans la scène de la mort du Commandeur.