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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/497

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

Et finalement, la basse même s’évade et se dissout en une pluie de triples croches qui dégringolent des hauteurs où plane dans les airs le chant aigu et détaché, comme un oiseau. Le vol retombe lentement, avec l’averse sur la pente. Il hésite et plane encore, quelques mesures[1], avant de se poser sur le calme thème du début (cantabile). Et celui-ci redit son chant, exactement, encore plus pur, élagué des deux arpèges de la cinquième et de la treizième mesures, ne conservant que le dernier, sur lequel la voix fléchit doucement et, dans un ritard. s’endort.

Ainsi, l’âme garde, intact, le souvenir ; mais il n’a plus rien de douloureux et d’irritant. Elle en a fait le principe même d’une contemplation océanique, où se soulèvent majestueusement, se forment en nuées, retombent en ondes ruisselantes, les masses sonores, sous la main calme de l’enchanteur — du Prospero — qui, à la fin, ne tient plus entre ses doigts que, dégagée de sa magie, la frêle fleur du souvenir.

C’est ici un des premiers exemples de ce grand art des Variations, qui est la suprême conquête de la sagesse du vieux Beethoven. Le temps n’est plus de ces finales emportés, où la passion se précipite, ivre et sauvage, vers son but, ce but fût-il l’abîme — ou bien les cimes !… Maintenant, le vieux homme, que la souffrance a meurtri et éclairé, sait ce que vaut le monde, et la victoire et la défaite. Ses années de concentration dans la Messe — même si la Messe ne lui apporte pas la paix finale qu’il espérait, — l’ont accoutumé à ces longs soliloques avec son Dieu, où l’âme se retranche

  1. Les trois dernières mesures du trille aigu sur le si d’en haut.

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