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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/512

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BEETHOVEN

une tonalité qui a toutes les marques apparentes du fa majeur, sans en posséder la certitude et la stabilité : car un point d’orgue s’étend, comme une question, sur quatre mesures, dont la marche de basse va ritard, avec une fausse fermeté, vers un fa, où elle demeure, en suspens. Et elle ne sait pas ce qui va suivre : joie, ou douleur ?



C’est la douleur.

Quand l’élément personnel — la passion, la souffrance, aussi la joie — déborde la puissante volonté de l’artiste, qui refuse à Gœthe le droit de pleurer[1] — quand le flot intérieur ne peut plus rester enfermé dans le lit de la Sonate, si élargies qu’en aient été par lui les formes, — le récitatif se fraie une brèche. Même sans parole (surtout sans parole), le trop-plein de l’émotion s’y exprime directement. Mais le duca e maestro n’abdique point ; et il fait servir aux fins de l’art l’élément indiscipliné. Le vaste morceau en quatre parties, qui termine et couronne l’op. 110, — qui en forme le bâtiment principal, — est un des plus hauts

1. Voir, dans mon Gœthe et Beethoven, la scène du 23 juillet 1812, à Teplitz, et le mépris de Beethoven pour les auditoires « romantiques », qui le saluent « avec des mouchoirs trempés d’émotion »… — Et les entretiens avec Bettine : « Les artistes sont de feu, ils ne pleurent point. » … Plus loin : « L’émotion convient aux Frauenzimmer. Dem Mann muss Musik Feuer aus dem Geiste schlagen. »

  1. 1