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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/515

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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

exemples de cette maîtrise, qui incorpore dans son art l’expression la plus libre de la passion.

Ce n’est pas seulement qu’il ait su obliger le premier flux prolixe de l’émotion aux lignes pures et essentielles, et discipliner jusqu’aux pleurs L II a, de cette explosion de douleur, construit une des plus belles architectures et des plus neuves de la musique. La remarquable analyse de Heinrich Schenker en a révélé les lois intimes et l’essence, qui ont échappé au regard de la plupart des musiciens.

En premier lieu, la division en quatre parties : deux adagios et deux fugues, n’est qu’apparence. En réalité, le poème ne comporte que deux parties : l’une, d’un caractère adagio, et l’autre, finale, en forme fugue. Et de plus, tout le travail de ce morceau (comme celui de l’esprit qui souffre et qui vainc), est de surmonter cette dualité et de la contraindre à l’unité. Or — et c’est ici l’observation capitale de Schenker — Beethoven y parvient, en faisant de la fugue le centre attractif et dominant de tout le développement, — et non pas, comme l’auditeur superficiel le croirait, les parties arioso qui cependant frappent davantage l’attention, et qui sont, en fait, subordonnées à l’attraction latente de la fugue 2 3.

2. Cf. l’étonnante mesure 5.

3. La tonalité de la bémol majeur est maintenue, du commencement à la fin de la double fugue, comme une assise immuable. Les ariosi n’ont pas de tonalité stable ; ils gravitent autour du pôle de la fugue et s’y adaptent. Le deuxième arioso est sans rapport tonal avec le premier, mais adapté à la modulation de la fugue, qui débute en sol majeur.

Schenker fait la remarque que, pour le premier arioso, qui est visi-

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