Aller au contenu

Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
BEETHOVEN

pour piano, orchestre et chœurs, dont les accents annoncent déjà l’Ode à la Joie…

Cette magnifique fécondité est, comme la joie de la Pastorale, interrompue par le coup de tonnerre qui tombe sur l’Autriche en 1809, qui la ruine, qui bouleverse sa vie sociale, et qui atteint profondément (ainsi qu’on l’a vu) celle de Beethoven : — la prise de Vienne par Napoléon. À quel point la catastrophe frappa le musicien en plein essor, le simple rapprochement de quelques dates le fera sentir. Le bombardement de Vienne est du 11 mai 1809. Or, la première audition de la Fantaisie pour piano, orchestre et chœurs[1] avait eu lieu le 27 décembre 1808 ; le Concerto pour violon venait de paraître en mars 1809, et la Symphonie pastorale, en avril 1809.

Si terrible qu’ait été le coup pour Beethoven[2] — (et ses lettres de 1809 en témoignent) — l’ébranlement produit n’eut tout son effet sur la création que plusieurs années après. Au premier moment, elle bénéficia de l’élan acquis. L’impérial Concerto en mi bémol était commencé avant l’invasion ; il poursuivit sa marche irrésistible ; et dans son sillage il entraîna (conçus dans la même atmosphère en mi bémol) le quatuor op. 74 (lui aussi commencé avant la tour-

  1. À l’exception de l’Introduction en mineur, qui fut rajoutée, par la suite, et dont Nottebohm a retrouvé les esquisses, sur des feuilles écrites pendant les mois d’été 1809 (II, p. 272). Ainsi s’explique le contraste entre ce Prélude grandiose et sombre, et le ruisseau de joie de la Fantaisie.
  2. Et joignons-y les peines sentimentales, qui ont ravagé ces années. J’en parlerai, dans un chapitre en Appendice à ce volume.