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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/103

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LES DERNIERS QUATUORS

été, nous le verrons, une greffe de la dernière heure sur un arbre ayant déjà sa floraison propre.

Mais revenons au Scherzando vivace, dont l’écriture est des plus fines, mais le développement démesuré. Il compte, à lui seul, plus de mesures que le premier morceau et l’Adagio ensemble[1] ; et il est fait avec des miettes de motifs insignifiants. C’est un chef-d’œuvre de maîtrise, au sens des maîtres artisans ; et il est assez curieux que, précisément, un des passages (mes. 70-74) ait été presque textuellement repris dans les Meistersinger, pour un dialogue entre Hans Sachs et Beckmesser. C’est un jeu de technique et d’humour, que déclenche le facétieux violoncelle[2]. L’entrecroisement comique des reparties polyphoniques[3] y alterne avec des ensembles, note contre note, aux rythmes vigoureux accentués, qui rappellent la bacchanale de la Septième Symphonie (mes. 60-66). Très remarquable est, par deux fois, la brusque rupture du 3/4 bondissant, par l’intrusion d’un motif des basses en 2 temps (mes. 70-75 et 78-80). Les deux violons y

  1. Encore se dispense-t-on aujourd’hui de faire les inlassables répétitions marquées. Quand Beethoven s’amuse, il est comme les enfants, il n’en a jamais assez, et il s’amuse de riens.
  2. Il n’est peut-être pas inapropos de rappeler que le mécène, à qui l’œuvre était destinée, le prince Galitzin, jouait du violoncelle, et que dans sa lettre de commande il l’avait spécifié : « L’instrument que je cultive, c’est le violoncelle. » (9 novembre 1822).
  3. Au contraire de ce qui se produit à l’ordinaire, les premières esquisses semblaient prévoir un travail polyphonique plus compliqué. On y lit cette indication : « Alle 4 Stimmen auf eine jede un altrum cantum — bei jeder Wiederholung alle 4 St. umgewandt » (Nottebohm, II, p. 544).

    « Chacune des 4 voix a un autre chant. À chaque répétition les 4 voix changent de partie. »

    (Nottebohm traduit : « ungewandt » par « versetzt » ou verwechselt » ).