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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/127

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LES DERNIERS QUATUORS

Beethoven s’exprime sévèrement mais sans colère, sur le public de Vienne et son total manque de sens pour l’art véritable, (« N’en parlons pas ! ils ne s’intéressent qu’aux chevaux et aux danseuses ! »), il ajoute, avec un calme magnifique : — « Mais je ne m’en inquiète point. Je veux seulement écrire encore ce qui me réjouit, moi (« ich will nur noch schreiben was midi selbst erfreut ! ») « Que je sois seulement en bonne santé et tout le reste m’est égal ! » (« so wäre mir Alles Eins ! »)

N’en doutons pas ! En ce moment, le monde ne lui est rien, il s’entretient, en reconnaissance et joie, avec son Dieu.

Une autre visite lui vient, en juillet, alors qu’il doit approcher de la fin de son quatuor : celle du jeune organiste Freudenberg. Il paraît alors rétabli. Mais il a gardé encore ce visage en quelque sorte réduit, amenuisé, qui avait frappé Rellstab (« eine ziemlich kleine Figur ») — et sa douceur de manières, bien insolite. Toutefois, il ne faudrait plus trop s’y fier ; la violence couve, et elle explose, un court moment, lorsque ce blanc-bec ose lui déclarer qu’il trouve ses dernières symphonies baroques et incompréhensibles. Alors, dit Freudenberg, il prit un visage « gewaltig grimmiger » (furibond). Admirons qu’il n’ait pas déchargé son tonnerre sur le malappris ! Mais il est devenu étonnamment maître de soi. Il juge avec une rare objectivité des musiciens et de la musique ; et les propos à ce sujet, que Freudenberg a notés, sont des plus beaux que l’histoire ait recueillis de lui[1]. — Au reste, il se dit encore « krânklich » ; et « à son air

  1. C’est là que se trouve la magnifique apothéose de J. S. Bach « nicht Bach, sondern Meer », — et son appréciation de la pure musique