J’aime à voir et à expliquer Beethoven, d’un point de vue plus simple et plus humain.
Considérons que le quatuor en si bémol se trouve comme un intermède inséré entre les deux quatuors les plus rigoureusement forgés, ceux où la pensée s’est concentrée avec le plus de rigueur et a réussi à réaliser la plus stricte unité de construction — deux monolithes : — le quatuor en la mineur et le quatuor en ut dièze mineur. N’est-il pas naturel qu’il se détende, en cet été 1825, où la santé est revenue, où les forces créatrices affluent, et où il a la satisfaction d’avoir accompli le chef-d’œuvre parfait et difficile de l’op. 132 ? Les idées musicales sourdent de terre, des airs, de toutes parts. Comme il le disait à Schlösser, « elles me viennent à l’improviste, directement, indirectement (mittelbar, unmittelbar), je pourrais les saisir avec les mains, dans la libre nature, dans la forêt, en promenades, dans le silence de la nuit, de bon matin, sous l’excitation de « Stimmungen » qui, chez le poète se convertissent en mots, chez moi en sotis, qui tintent, qui bruissent, qui font rage, jusqu’à ce qu’enfin elles se tiennent en notes devant moi ».
Il en a tant que les trois quatuors pour Galitzin ne suffisent pas à l’en décharger ; une fois lancé, il ne peut plus s’arrêter, il faudra qu’il écrive, à la fin de l’année, un quatrième quatuor hors série (et quel ? l’ut dièze mineur !), toutes autres affaires cessantes, en dépit des lamentations de Schindler dont il se débarrasse, en cette année, pour n’avoir plus à
délire dionysiaque, dont Nietzsche a vendangé la vigne : — (dans tels entretiens, comme ceux avec Bettine, à supposer que la petite bacchante n’y ait pas versé de son propre crû). Mais il était trop maître de son esprit, et, en dépit de son juste orgueil, trop humble en Christ, trop conscient de la faiblesse humaine, pour cultiver en lui cette superbe.
