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BEETHOVEN

lui, le contrôle journalier de son oncle, qui doit passer la moitié de l’année à la campagne, flâne, se dissipe, ne fait plus rien, manque ses examens, se trouve exclu de la Faculté de philosophie, de la carrière des lettres, dont Beethoven était si fier pour lui, dont il jouissait par avance, comme si c’était lui, l’éternellement inconsolé de son instruction imparfaite, qui allait boire aux sources de la science ! Que va-t-il faire ? Après bien des délibérations avec les amis, Beethoven a consenti, contre son cœur, à ce que Charles fasse choix de la carrière de marchand, contre laquelle il avait tant de répugnance ! Charles n’avait non plus aucun attrait pour elle. S’il la choisissait, c’était qu’il lui fallait bien choisir, n’importe quoi ! Mais une fois entré à l’Institut polytechnique, il continua de ne rien faire. Beethoven, qui s’en inquiétait, courait de Baden à Vienne, pour s’informer, à l’Institut ; et nous avons le récit d’un assistant en technologie, le jeune Reuter, qui le vit venir à lui, humble et troublé, et quémandant les notes de son neveu. Reuter alla les consulter, revint avec une mine attristée, il n’avait rien de réjouissant à annoncer. Beethoven comprit, avant que Reuter eût dit un mot, et ses traits prirent l’aspect de la désolation. Il ne le laissa même pas parler. — « Ah ! Dieu ! Ah ! Dieu ! ces jeunes gens… Pauvre vieux homme faible que je suis ! … » — « Je n’oublierai jamais l’expression de sa douleur », écrit Reuter.

Ce n’était rien encore. À la suite de quelques reproches, le neveu disparut de sa maison, plusieurs jours. Beethoven fut bouleversé. Que n’imagina-t-il point ! Plût à Dieu que ce n’eût été qu’imagination ! Mais si, pour cette fois, le malheur fut écarté, il s’annonçait trop réellement ; et les jours, les nuits d’angoisse, par où passa Beethoven, étaient prémoni-