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BEETHOVEN

auquel le violoncelle répond par un chant qui monte, d’une octave, jusque dans les régions du premier violon :

[partition à transcrire]

Mais c’est trop peu, d’en rester à cette froide constatation ; à ceux qui s’en satisfont, on pourrait retourner le mot de l’Evangile : « Vous entendrez de vos oreilles et vous ne comprendrez point… »

L’extraordinaire n’est pas l’écriture, mais l’ouverture inattendue qu’elle procure sur la vie secrète de l’âme. Consciente, ou inconsciente ? Il n’est pas dit que Beethoven lui-même, au moment où il l’écrit en notes, pourrait le traduire en mots : ce sont deux langues, qui ne se correspondent pas exactement ; et Beethoven était malhabile à transcrire l’une dans l’autre : au reste, ce n’aurait eu, pour lui, aucun intérêt : il se comprenait dans sa langue ; sa langue lui suffisait. Mais qui se sert des mots doit s’efforcer de transposer à leur étage le langage des sons, la vie profonde.

Quand se termine la première partie, sur une affirmation de force claire et sûre, qui sur le dernier accord fléchit brusquement, (un p. qui vient, au lieu du ff. attendu), et qui retombe et qui s’arrête sur un point d’orgue pp., — après un temps, remonte des profondeurs la mélancolie de l’introduction. Deux fois, le motif de gaieté insouciante court, essaie, comme plus haut, d’y faire diversion. Mais c’est sans force, sans conviction, et il se tait, presque aussitôt, le souffle coupé. Ce qui persiste, c’est la question contenue dans les deux dernières notes du fragment de la méditation adagio.