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LES DERNIERS QUATUORS

Elle s’installe, comme une pulsation d’artère, adagio d’abord, puis allegro, mais dans un clair-obscur impressionnant, où l’esprit semble perdre pied et rêve sur ce rythme lancinant ; le chavirement des modulations ajoute au vertige d’un moment, où l’âme qui se défendait, se livre, meurtrie et se berçant du bourdonnement de sa souffrance passée, toute proche encore, presque affleurante, et engourdie. Le curieux, musicalement (et psychologiquement), est que, dans ce vertige et ce demi-jour sans aucune ombre, où tous les détails sont découpés avec netteté, flottent les éléments divers, non seulement de la méditation, mais de l’action, et même de la gaieté d’avant, — l’oiseau qui chante l’espérance — tous imprégnés de l’atmosphère de rêve un peu dolent, et se mariant dans une mystérieuse harmonie. L’impression de songe berceur et fascinant est unique, dans l’art de Beethoven. Et quelle autre langue peut à la fois réaliser l’analyse et la synthèse de l’état d’âme le plus complexe et le plus trouble, sans que la plus exacte précision fasse tort au libre mouvement de la vie subconsciente ?

La Reprise, qui suit, reproduit les principales dispositions de la première partie, mais à un degré d’exaltation accrue. Le beau second thème, qui a le caractère d’une acceptation fervente[1], se représente dans une tonalité plus chaude et

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