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BEETHOVEN

accrues du fait qu’au lieu de s’opposer, d’une façon tranchante et dramatique, comme c’est l’habitude chez Beethoven, les contraires ici se marient et se fondent dans la plus délicate demi-teinte et la plus soutenue. On sent que Beethoven lui-même hésite entre eux ; et si la volonté a décidé, c’est peut-être parfois aux dépens du cœur. Et le cœur a le dernier mot. C’est la Coda qui contient ici les aveux les plus intimes. Je ne saurais donc en vouloir aux interprètes qui sont fidèles au cœur, plus qu’à la volonté de l’artiste, et qui donnent raison, contre l’humour, au sentiment. Il faut toutefois les avertir qu’ils eussent encouru les foudres de Beethoven. Car il ne pardonne point qu’on lui désobéisse.

La plainte du début est fauchée, à son premier soupir, par une phrase de satisfaction décidée, marquant le pas, à l’alto, sur l’accompagnement bonhomme et facétieux du violoncelle en notes détachées ; — puis, les quatre instruments se répondent plaisamment, avec finesse ; mais de curieuses interruptions viennent couper périodiquement (mes. 13, 17 et 19) leurs gais propos, qui reprennent, avec une malice accrue.

Sous ce plaisant bavardage, la phrase nostalgique du début couve, sans qu’on s’en doute. Réduite à ses éléments essentiels, elle reparaît en un délicieux cantabile, où tout ce qu’elle a de tendre sans tristesse, fleurit (mes. 26 et suiv.) :

[partition à transcrire]

sur les battements d’ailes du second violon et le bercement heureux du violoncelle et de l’alto. C’est un jardin du paradis.