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LES DERNIERS QUATUORS

dionysiaque. Il ne se lasse point, passant et repassant par des alternatives de cresc. et de diminuendo, à perdre le souffle.

Enfin, le jeu doit avoir un terme. Il fait une pause. Ainsi que dans la Neuvième Symphonie, l’esprit rappelle en trois mesures, successivement, les deux grands motifs, celui du bond de dixième, au début de la fugue, — et le tendre dessin du meno mosso et moderato… — Un grand silence… Et, sur un mouvement allegro molto e con brio, à l’unisson, les puissantes colonnes qui ouvraient le portique de la fugue se mettent en marche. C’est la conclusion : les seuls motifs sont conservés, de joie, d’affirmation, de force, résumés en leur essence élémentaire, — les trilles jubilants, les bonds de dixièmes, — l’insistance insatiable à prolonger, à répéter, comme dans la péroraison de la Symphonie en ut mineur et dans les grands discours trop éloquents du milieu de la vie, les cadences finales, les accords parfaits et retentissants. Ce n’est pas assez d’avoir vaincu. Il faut clamer la victoire, encore, encore !… — Rien n’est plus loin du caractère intérieur, plein de réserve, ennemi du bruit et de l’éclat, qui fait l’atmosphère recueillie, dans leur ensemble, des derniers quatuors. — Et c’en est, pourtant, le Grand Testament, le Mont-Thabor.

En avoir fait la conclusion du quatuor op 130 (des deux quatuors op. 130 et 132, et l’on peut dire, de tout le groupe des quatuors Galitzin), semble bien donner raison à ceux qui veulent y voir l’affirmation de l’esprit vainqueur, au terme des épreuves de la vie, qui trouve sa Burg, sa citadelle, dans le génie créateur, reforgeant en joie la douleur, et du motif même du souci faisant une oriflamme de vaillance triomphale. Ne parlons point de Prospéro ! Il est douteux que

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