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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/228

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BEETHOVEN

Beethoven y ait pensé[1]. Il n’avait qu’à penser à lui-même. N’était-il pas le maître des tempêtes ?


Voilà le monstre. Je l’ai dépeint. J’ai anatomisé son architecture et évoqué son : « Mens agitat molem ». — Que dirons-nous du résultat, de cette construction cyclopéenne, et de l’effet qu’elle a produit dans le monde ? Les opinions les plus contradictoires s’entrechoquent, à son sujet. Des musicologues, aussi dévots de Beethoven que Theodor Helm, s’arrêtent au seuil de la Grande Fugue, ne peuvent entrer. Ils déclarent avec douleur que « le sens du beau son, que Beethoven possède à un degré si magnifique, et justement dans ses dernières œuvres, l’a ici totalement abandonné. Et qu’en se livrant au plaisir démoniaque de son puissant génie, il accumule duretés sur duretés, de telle façon que l’impression d’ensemble est presque pénible… »

Et, sur l’autre rive de la critique, un musicien d’une belle franchise, d’un rare sens analytique, qui ne cache point son peu de sympathie pour Beethoven, August Halm, s’avoue ravi par « la beauté, — la beauté sensuelle de cette musique », quand elle est jouée, comme elle doit l’être, par de vrais artistes.

Que l’on choisisse entre Helm ou Halm ![2] En ce qui nous

  1. Il est toutefois curieux que, rencontrant alors le petit Gerhard v. Breuning et faisant de lui son compagnon ailé, son petit messager, qui toujours saute sur un pied, le Prospero l’ait nommé son « Ariel. »
  2. Walter Riezler a, le mieux, à mon sens, saisi le caractère unique de cette Grande Fugue, parmi toutes les œuvres de Beethoven. La puissance Beethovenienne procède ordinairement par crescendo. Ici, elle commence en pleine force, et s’y maintient. Pendant 129 mesures, se déchaîne un ff, dont l’intensité d’expression demeure au même point. (Puis, la seconde partie sera entièrement pp.) La tension continue de