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Page:Rolland - Beethoven, 5.djvu/90

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BEETHOVEN

Elle s’éteint sur le doux bercement du début de l’allegro (à l’octave au-dessus), avec un murmure de bonheur… N’va-t-on pas reconnu l’extase finale du Benedictus, dans la Missa Solemnis ?



Nous arrivons à un des lieux sacrés de l’art, au Parthénon, — l’auguste grâce de l’adagio ma non troppo. Ce n’est pas seulement un des sommets de la musique, c’en est, comme le molto adagio de l’op. 59 no 2 (ils forment couple) — un des sanctuaires.

Or, ici nous attend une des révélations les plus troublantes sur les mystères de la création. Nous possédons les esquisses presque entières, que Nottebohm a publiées, intégralement, en une dizaine de pages de sa précieuse Neue Beethoveniana (II, pp. 210-220). Nous savions bien que presque jamais Beethoven ne parvient, du premier jet, à sa pensée définitive : il lui faut inlassablement remettre le fer au feu et le battre de son marteau sur l’enclume. Et nous assisterions sans trop de surprise à la forge lente et acharnée, comme il advient, de la première phrase (du premier membre de phrase) de Y adagio. — Mais ce qui se produit ici est beaucoup plus exceptionnel. Quand on examine attentivement, on se rend compte que cette première phrase, à l’heure où elle sortit, comme Minerve, du cerveau de Jupiter, n’avait aucunement pour Beethoven la signification profonde qu’il lui a plus tard attachée, — dirons-nous, qu’il lui a découverte.