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Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/103

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grue sur le pont de Béyant. Car, dans les deux faubourgs, si les oiseaux diffèrent, leur coutume est la même : percher, pendant le jour, les fesses incrustées sur le rebord des ponts, et se rincer le bec, dans un voisin bouchon. La conversation, comme c’est l’habitude, entre fils de Beuvron et fils de Bethléem, consiste en quolibets. Ces messieurs de Judée nous traitent de paysans, d’escargots de Bourgogne et de croque-fumier. Et nous, nous répliquons à leurs aménités, en les nommant « guernouilles » et gueules de brochets… Je dis : nous, car ne puis, quand j’entends chanter les litanies, me dispenser de dire mon : Ora pro nobis ! C’est pour être poli. À qui vous parle, on doit répondre. Après que nous eûmes honnêtement échangé quelques propos jolis (voilà-t-il pas que sonne l’angelus de midi ! J’en sursaute, ébaubi… Hohé ! le Temps, hohé ! Mais ton sablier fuit !…) je prie premièrement nos bons flotteurs d’aider Cagnat et Robinet à charger ma charrette, et de la charrier, secundo, à Beuvron, avec le bois que j’ai choisi. Ils crient beaucoup :

— Sacré Breugnon ! Tu ne te gênes pas !

Ils crient beaucoup, mais ils le font. Ils m’aiment, au fond.

Nous revînmes au galop. Sur le pas des boutiques, admirant notre zèle, on nous regardait passer. Mais quand mon attelage arriva sur le pont de Beuvron et qu’on trouva, fidèles, les trois autres moineaux, Fétu, Gadin, Trinquet, qui voyaient couler l’eau, les jambes s’arrêtèrent, et les langues, presto, se