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Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/104

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remirent en marche. Les uns méprisaient les autres, parce qu’ils faisaient quelque chose. Les autres méprisaient les uns, parce qu’ils ne faisaient rien. Tout le répertoire des chanteurs y passa. Sur la borne du coin, moi, je m’étais assis, et j’attendais la fin, pour décerner le prix. Lorsqu’une voix me crie à l’oreille :

— Brigand ! Te voilà revenu ! Enfin, me diras-tu comment, depuis neuf heures, de Beuvron à Béyant, tu as passé le temps ? Le feignant ! Quel malheur ! Quand serais-tu rentré, si je ne t’avais pris ? Au logis, scélérat ! Mon dîner est brûlé.

Je dis :

— Le prix, tu l’as. Mes amis, vous aurez beau faire : pour ce qui est du chant, auprès de celle-là, vous êtes de petits enfants.

Mon éloge ne fit que la rendre plus vaine. Elle nous régala encore d’un morceau. Nous criâmes :

— Bravo !… Et maintenant, rentrons. Va devant. Je te suis.

Ma femme rentrait donc, en tenant par la main ma Glodie, et suivie par les deux apprentis. Docile, mais sans hâte, j’allais en faire autant, quand de la ville haute un bruit joyeux de voix, des sonneries de cors, et le gai carillon de la tour Saint-Martin me firent, vieux flaireur, renifler l’air, en quête d’un spectacle nouveau. C’était le mariage de M. d’Amazy avec Mlle Lucrèce de Champeaux, fille du receveur des tailles et taillon.