Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/106

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lant pour mieux voir, le joyeux sacrifice de la chaste Lucrèce à M. d’Amazy, quatre trompes de chasse, par saint Hubert, sonnèrent, accompagnant l’office, en l’honneur du chasseur ; la meute seule manquait : on le regrettait bien. Moi, j’avalai mon rire ; et naturellement, je ne pus m’empêcher de siffler (mais tout bas) la fanfare. Seulement, lorsque vint le moment fatidique, où à la question du curé curieux la mariée répond : « Oui », et que gaillardement les joues gonflées sonnèrent la prise, c’en fut trop, je criai :

— Hallali !

Vous pensez si l’on rit ! Mais le suisse arriva, en fronçant le sourcil. Je me fis tout petit, et me glissant le long des croupes, je sortis.

Sur la place je me trouvai. La compagnie n’y manquait point. Tous, comme moi, hommes de bien, sachant user des yeux pour voir, des oreilles pour croire et boire ce qu’ont happé les autres yeux, et de la langue pour conter ce qu’on n’est pas forcé d’avoir vu pour en parler. Dieu sait si je m’en suis donné !… Pour beau mentir n’est pas besoin venir de loin. Aussi, le temps passa très vite, pour moi du moins, jusqu’au moment où se rouvrit la grande porte de l’église, au bruit des orgues. Parut la chasse. Glorieux, marchait en tête l’Amazy, tenant au bras la bête prise, qui roulait ses beaux yeux de biche, à droite, à gauche, en minaudant… Eh ! j’aime mieux n’être chargé de la garder, la belle enfant ! À qui la débobinera, donnera du fil à retordre. Qui prend la bête, il prend les cornes…