Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/107

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Mais je n’en vis pas davantage de la chasse et de la curée, du piqueur et de la piquée, et ne saurais même décrire (ce n’est pas pour m’en vanter) la couleur des habits du sire et la robe de la mariée. Car juste à ce moment, nos esprits furent pris et notre attention par la grave question de l’ordre et de la marche et de la préséance de messieurs du cortège. Déjà, me conta-t-on, quand ils étaient entrés (ah ! que n’étais-je là ! ) le juge et procureur de la châtellenie et monsieur l’échevin, maire en titre d’office, ainsi que deux béliers, au seuil, s’étaient heurtés. Mais le maire, plus gros, plus fort, avait passé. S’agissait de savoir à présent qui des deux sortirait le premier et montrerait son nez sur le sacré parvis. Nous faisions des paris. Mais il ne sortait rien : comme un serpent coupé, la tête de la noce poursuivait son chemin ; le corps ne suivait point. Enfin, nous rapprochant de l’église, nous vîmes, dedans, près de l’entrée, de chacun des côtés, nos animaux furieux, dont chacun empêchait le rival de passer. Comme, dans le saint lieu, ils n’osaient pas crier, on les voyait remuer le nez et les babines, ouvrir des yeux énormes, faire le dos en boule, froncer le front, souffler, gonfler les joues, le tout sans qu’il sortît un son. Nous nous tenions les côtes ; et tout en pariant et riant, nous aussi, nous avions pris parti. Les hommes d’âge, pour le juge, représentant du seigneur duc (qui voudrait le respect pour soi, le prêche aux autres) ; les jeunes coqs, pour notre maire, champion de nos libertés. Moi, j’étais pour celui des deux qui l’autre rosserait le