Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/139

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pleins de gratitude envers ce bon Gifflard, qui se dilatait d’aise et dont les petits yeux, sous les grasses paupières, dans la face luisante comme rillettes, riaient.

Nous fûmes moins glorieux, le lendemain matin. Nous n’en convenions point, nous faisions les malins. Mais chacun ruminait, ruminait, et ne comprenait plus l’étonnante tactique, pour prendre une place forte, d’avoir foutu le camp. À mesure que le soleil roulait dans le ciel rond, nous nous trouvions tous deux de plus en plus Jocrisses. Quand le soir fut venu, nous nous guettions de l’œil, parlant négligemment de la pluie et du beau temps, pensant :

— Mon bon ami, comme tu parles bien ! Cependant tu voudrais me fausser compagnie. Mais n’y a point de risque. Je t’aime trop, mon frère, pour te laisser tout seul. Où que tu ailles (masque, je le sais, je le sais…), je t’emboîte le pas.

Après mainte mainte ruse afin de nous dépister (nous ne nous quittions plus, même pour aller pisser), au milieu de la nuit, — nous feignions de ronfler, mordus sur la paillasse par l’amour et les puces, — Pinon sauta du lit et cria :

— Vingt bons dieux ! Je cuis, je cuis, je cuis ! Je n’en peux plus ! Je m’en retourne…

Moi, je dis :

— Retournons.

Nous mîmes un jour entier à revenir chez nous. Le soleil se couchait. Jusqu’à ce que vînt la nuit, nous restâmes cachés dans les bois du Marché. Nous