Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/16

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Breugnon que je porte en ma peau. Il m’a fallu parler pour eux. Ces sacrés bavards n’avaient pas encore assez parlé, de leur vivant ! Ils ont profité de ce qu’un de leurs petits-fils avait l’heureux privilège d’écrire (ils l’ont souvent envié !) pour me prendre comme secrétaire. J’ai eu beau me défendre :

— Enfin, grand’papa, vous avez eu votre temps ! laissez-moi parler. Chacun son tour !

Ils répliquaient :

— Petit, tu parleras lorsque j’aurai parlé. D’abord, tu n’as rien de plus intéressant à raconter. Assieds-toi là, écoute et n’en perds pas un mot… Allons, mon petit gars, fais cela pour ton vieux ! Tu verras plus tard, quand tu seras où nous sommes… Ce qu’il y a de plus pénible, dans la mort, vois-tu, c’est le silence…

Que faire ? J’ai dû céder, j’ai écrit sous la dictée.

À présent, c’est fini, et me revoici libre (du moins je le suppose). Je vais reprendre la suite de mes propres pensées, si toutefois un de mes vieux bavards ne s’avise pas encore de ressortir de sa tombe, pour me dicter ses lettres à la postérité.

Je n’ose croire que la compagnie de mon Colas Breugnon divertira autant les lecteurs que l’auteur. Qu’ils prennent du moins ce livre comme il est, tout franc, tout rond, sans prétention de transformer le monde, ni de l’expliquer, sans politique, sans métaphysique, un livre à la « bonne françoise »,