Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/167

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nez de petit goret fureteur et gourmand, bouche bonne à baiser, grasse et rouge, et sur les joues des friselis de boucles. Elle dit, en me voyant, d’un air condescendant :

— C’est à vous cette belle enfant ?

Je réplique finement :

— Que savons-nous, madame ? Voici monsieur mon gendre. C’est à lui d’en répondre. Je n’en réponds pour lui. En tout cas, c’est notre bien. Aucun ne nous le réclame. Ce n’est pas comme l’argent. « Enfants sont richesse de pauvres gens. »

Elle daigna sourire, et mon sire d’Asnois s’esclaffa à grand bruit. Florimond rit aussi ; mais son rire était jaune. Moi, je restais sérieux, je faisais le béjaune. Alors l’homme à la fraise et la dame à la cloche voulurent condescendre à me questionner (ils m’avaient pris tous deux pour un ménétrier) sur ce que pouvait bien rapporter mon métier. Je réponds comme de juste :

— Autant que rien…

Sans dire ce que je faisais, d’ailleurs. Pourquoi l’aurais-je dit ? Ils ne me le demandaient point. J’attendais, je voulais voir, je me divertissais. Je trouve assez plaisante la hauteur familière et cérémonieuse que tous ces beaux messieurs, ces riches, croient devoir prendre avec ceux qui n’ont rien et sont gueux ! Il semble que toujours ils leur fassent la leçon. Un pauvre est un enfant, il n’a pas sa raison… Et puis (on ne le dit pas, mais on le pense), c’est sa faute : Dieu l’a puni, c’est bien ; le bon Dieu soit béni !