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Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/170

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n’étions en France quelques-uns qui aimons nos vignes et nos champs, ce que le roi pourrait se mettre sous la dent ! À chacun son métier. Les uns mangent. Les autres… les autres sont mangés. La politique est l’art de manger. Pauvres gens, que pourrions-nous en faire ? À vous la politique, et à nous notre terre ! Avoir une opinion, ce n’est pas notre affaire. Nous sommes ignorants. Que savons-nous, sinon, comme Adam notre père, — (il fut aussi le vôtre, dit-on ; mais quant à moi, je n’en crois rien, pardon…, votre cousin peut-être…)— que savons-nous, sinon donc engrosser la terre et la rendre féconde, creuser, labourer ses flancs, semer, faire pousser l’avoine et le froment, tailler, greffer la vigne, faucher, moissonner les gerbes, battre le grain, fouler la grappe, faire le vin, le pain, fendre le bois, tailler la pierre, couper le drap, coudre le cuir, forger le fer, ciseler, menuiser, creuser les canaux et les routes, bâtir, dresser les villes avec leurs cathédrales, ajuster de nos mains sur le front de la terre la parure des jardins, faire fleurir sur les murs et les panneaux de bois l’enchantement de la lumière, dévêtir de la gaine de pierre qui les enserre les beaux corps blancs et nus, attraper à l’affût dans l’air les sons qui passent et les emprisonner dans les flancs brun doré d’un violon gémissant ou dans ma flûte creuse, enfin nous rendre maîtres de la terre de France, du feu, de l’eau, de l’air, des quatre-s éléments, et les faire servir à votre amusement…, que savons-nous de plus, et comment aurions-nous la prétention de croire que nous comprenions rien aux affaires publiques, aux