Et il me semble aussi que je voulais cueillir des aulx, parce qu’on les disait souverains contre la peste, ou parce que faute de vin, il faut se contenter d’aulx. Ce qui est sûr, c’est qu’à peine j’eus mis le pied (et le séant suivit) sur la terre nourricière, je me sentis saisi par l’enchantement de la nuit. Le ciel, comme un grand arbre rond et sombre, étendait sur moi sa coupole de noyer. À ses rameaux pendaient des fruits, par milliers. Mollement balancées et brillantes, comme des pommes, les étoiles mûrissaient dans les ténèbres tièdes. Les fruits de mon verger me semblaient des étoiles. Toutes se penchaient vers moi, afin de me regarder. Par des milliers d’yeux je me sentais épié. De petits rires couraient dans les plants de fraisiers. Dans l’arbre, au-dessus de moi, une petite poire, aux joues rouges et dorées, d’un filet de voix claire et sucrée, me chantait :
Aubépine, Prends racine. P’tit homme gris ! Comme les vrilles de la vigne, Agripp’-toi à mon échine. Pour monter au Paradis, Prends racine, prends racine, P’tit homme gris !
Et de toutes les branches du verger de la terre et de celui du ciel, un chœur de petites voix chuchotantes, chevrotantes et chantantes, répétait :
Prends racine, prends racine !
Lors,