Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/195

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J’ai dû grimper, je pense, une partie de la nuit. Car j’ai chanté, des heures, à ce qu’on m’a dit depuis. J’en chantai de toutes sauces, du sacré, du profane, et des De Profundis, et des épithalames, des Noëls, des Laudate, fanfares et rigaudons, des chansons édifiantes et d’autres qui étaient gaillardes, et je jouais de la vielle ou bien de la musette, je battais du tambour, je sonnais de la trompette. Les voisins ameutés se tenaient les côtes, et disaient :

— Quelle trompe !… c’est Colas qui s’en va. Il est fou, il est fou !…

Le lendemain, comme on dit, je fis honneur au soleil. Je ne lui disputai pas l’honneur de se lever ! Il était bien midi, lorsque je m’éveillai. Ah ! que j’eus de plaisir à me revoir, m’ami, au fond de mon fumier ! Ce n’était pas que la couche fût douce, ni que je n’eusse, au vrai, diablement mal aux reins. Mais que c’est bon de se dire qu’on a encore des reins ! Quoi ! tu n’es pas parti, Breugnon, mon bon ami ! Que je t’embrasse, mon fils ! Que je tâte ce corps, ce brave petit museau ! c’est bien toi. Que je suis aise ! Si tu m’avais quitté, jamais je ne m’en serais, non, Colas, consolé. Salut, ô mon jardin ! Mes melons me rient d’aise. Mûrissez, mes mignons… Mais je suis arraché à ma contemplation par deux Aliborons, qui, de l’autre côté du mur, braillent :

— Breugnon ! Breugnon ! Es-tu mort ?

C’est Paillard et Chamaille, qui, n’entendant plus rien, se lamentent et déjà prônent mes vertus défuntes, sans doute, sur la route. Je me relève (Aïe ! mes coquins de reins ! ), je vais tout doucement,