Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/208

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pas, en somme, énormément. Nous sommes d’âge, oui-dà, à vous tenir tête : quand vous nous ennuyez, nous savons vous le dire. Mais prendre comme cibles des pauvres agnelets, dont on tordrait le nez, il sortirait du lait, halte-là ! Non, c’est trop, nous ne l’admettons pas ! Dieu ou roi, qui le fait outrepasse ses droits. Nous vous en prévenons. Seigneur, l’un de ces jours, si vous continuiez, nous serions obligés, à notre grand regret, de vous découronner… Mais je ne veux pas croire que ce soit là votre œuvre, je vous respecte trop. Pour que de tels forfaits soient possibles, Notre Père, il faut de deux choses l’une : ou vous n’avez pas d’yeux, ou vous n’existez pas… Aïe ! voilà un mot incongru, je le retire. La preuve que vous existez, c’est que nous devisons tous deux, en ce moment. Que de discussions nous avons eues ensemble ! Et, entre nous, monsieur, combien de fois je vous ai réduit au silence ! Dans cette nuit néfaste, vous ai-je assez appelé, injurié, menacé, nié, prié, supplié ! Vous ai-je assez tendu mes mains jointes et montré mon poing fermé ! Cela n’a servi de rien, vous n’avez pas bronché. Du moins, vous ne pouvez dire, afin de vous toucher, que j’aie rien négligé ! — Et puisque vous ne voulez, bon sang ! que vous ne daignez m’écouter, serviteur ! tant pis pour vous, Seigneur ! Nous en connaissons d’autres, nous nous adresserons ailleurs…

J’étais seul, pour veiller, avec la vieille hôtesse. Martine, qu’avaient prise en route les douleurs de gésine, était restée à Dornecy, laissant Glodie à la grand-mère. Quand nous vîmes, au matin, que notre