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Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/209

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petite martyre allait passer, nous prîmes les grands moyens. J’enlevai dans mes bras son mignon corps brisé, pas plus lourd qu’une plume (il n’avait plus la force même de se débattre, et, la tête pendante, avec des soubresauts, il palpitait à peine, ainsi qu’un passereau). Je regardai par la fenêtre. Il faisait vent et pluie. Une rose sur sa tige se penchait à la vitre, comme si elle voulait entrer. Annonce de la mort. Je fis le signe de croix et, malgré tout, sortis. L’humide vent violent s’engouffra dans la porte. Je cachai sous ma main la tête de mon oiselle, de peur que la bourrasque ne soufflât sa chandelle. Nous allions. Devant, marchait l’hôtesse, qui portait des présents. On entra dans les bois qui bordaient le chemin, et nous vîmes bientôt, sur le bord d’un marais, un tremble qui tremblait. Sur un peuple de joncs aux reins souples, il régnait, haut et droit comme une tour. Nous en fîmes, une fois, deux fois, trois fois, le tour. La petite gémissait, et le vent dans les feuilles, comme elle, des dents claquait. À la menotte de l’enfant nous nouâmes un ruban ; l’autre bout à un bras du vieil arbre tremblant ; et l’hôtesse édentée et moi, nous répétions :

 Tremble, tremble, mon mignon, 
 Prends mon frisson.
 Je t’en prie et je t’en somme, 
 Par les personnes
 De la Sainte-Trinité.
 Mais si tu fais l’entêté, 
 Si tu ne veux m’écouter, 
 Garde à toi ! te trancherai.