Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/220

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Il ne reste rien, je te dis, rien, rien, pas un radis !

— Jojot, tu exagères ; tu ne me feras pas croire que mes deux apprentis et mes braves voisins ont regardé brûler ma maison sans tâcher de retirer du feu quelques marrons, quelques meubles, comme on fait entre frères…

— Tes voisins, malheureux ? Ce sont eux qui ont mis le feu !

Du coup, je fus assommé. Il me dit, triomphant :

— Tu vois bien que tu ne sais rien !

Je n’en voulais pas démordre. Mais lui, sûr à présent de me conter le premier la mauvaise nouvelle, il se mit, satisfait et contrit, à narrer la grillade :

— C’est la peste, dit-il. Ils sont tous affolés. Aussi, pourquoi messieurs de la municipalité et de la châtellenie, échevins, procureur, nous ont-ils tous quittés ? Plus de bergers ! Les moutons sont devenus enragés. De nouveaux cas du mal survenant en Beuvron, on a crié :

« Brûlons les maisons empestées ! » Sitôt dit, sitôt fait. Comme tu n’étais

pas là, ce fut naturellement la tienne qui commença. On y allait de bon cœur, chacun y mettait du sien : on croyait travailler pour le bien de la cité. Puis, on s’excite l’un l’autre. Quand on se met à détruire, je ne sais pas ce qui se produit : on est soûl, tout y passe, on ne peut plus s’arrêter… Quand ils y eurent mis le feu, ils dansèrent autour. C’était comme une folie… « Sur le pont de Beuvron, on y danse… » Si tu les avais vus… «