Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/219

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Et j’entendais ma vieille, qui, de l’autre monde, criait contre ma stupidité. Moi, je lui répondais :

— C’est ta faute, c’est pour toi que je me suis tant pressé !

Après nous être bien tous les deux chamaillés (cela m’occupa, du moins, une partie du chemin), je tâchai de nous convaincre que je m’inquiétais pour rien. Mais malgré moi, l’idée revenait, comme une mouche, se poser sur mon nez ; je la voyais sans cesse ; et une sueur froide me rigolait, le long de l’échine et des reins. Je marchais d’un bon train. J’avais passé Villiers, et je commençais de monter la longue côte boisée, quand je vois sur la pente une carriole qui venait, et dedans le père Jojot, le meunier de Moulot, qui, me reconnaissant, s’arrête, lève son fouet, et crie :

— Mon pauvre gars !

Ce fut comme si je recevais un coup dans l’estomac. Je restais, bouche bée, sur le bord de la route. Il reprend :

— Où tu vas ? Rebrousse, mon Colas ! N’entre pas dans la ville. Tu te ferais trop de bile. Tout est brûlé, rasé. Il ne te reste plus rien.

L’animal, à chaque mot, me tordait les boyaux. Je voulus faire le brave, j’avalai ma salive, je me raidis, je dis :

— Pardi, je le sais bien !

— Alors, fait-il vexé, qu’est-ce que tu vas chercher ? Je réponds :

— Les débris.