Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/229

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t’inquiète pas ! Vous imaginez-vous un Breugnon qui ne sent plus, un Breugnon qui ne crée plus, un Breugnon qui ne rit plus, et qui ne fait plus feu des quatre fers à la fois ? Non pas, c’est qu’il sera sorti de sa culotte. Vous pouvez la brûler. Je vous abandonne ma loque…

Là-dessus, je me remis en marche vers Clamecy. Et comme j’arrivais au haut de la montée, faisant le rodomont, et jouant du bâton (de vrai, je me sentais déjà réconforté), je vis venir à moi un petit homme blond, tout courant et pleurant, qui était Robinet dit Binet, mon petit apprenti. Un galopin de treize ans, qu’on voyait, au travail, plus attentif aux mouches qui volaient qu’aux leçons, et plus souvent dehors que dedans, à faire des ricochets ou lorgner les mollets des filles qui passaient. Je le calottais vingt fois dans sa sainte journée. Mais il était adroit comme un singe, futé ; ses doigts étaient malins comme lui, bons ouvriers ; et j’aimais, malgré tout, son bec toujours ouvert, ses dents de petit rongeur, ses joues maigres, ses yeux fins et son nez retroussé. Il le savait, le gueux ! J’avais beau lever le poing et jouer de mon tonnerre : il voyait le rire au coin de l’œil de Jupiter. Aussi, quand je l’avais calotté, il se secouait, tranquille comme un baudet, et puis, après, recommençait. C’était un vaurien parfait.

Je ne fus donc pas peu étonné de le voir, tout pareil à un triton de fontaine, de grosses larmes en poire coulant, dégoulinant de ses yeux et de son nez. Le voilà qui se jette sur moi et m’embrasse le