Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/25

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comme deux gouttes de l’eau qui ronge l’acier. Elle m’aimait, m’aimait, à s’en faire périr. À force de me poursuivre (que les hommes sont bêtes !) un peu par pitié, un peu par vanité, beaucoup par lassitude, afin (joli moyen !) de me débarrasser de cette obsession, je devins (Jean de Vrie, qui se met dans l’eau pour la pluie), je devins son mari. Depuis ce temps, je l’ai, j’ai la vertu chez moi. Et elle, elle se venge, la douce créature. De quoi ? De m’avoir aimé. Elle me fait enrager ; elle le voudrait, du moins ; mais n’y a point de risque : j’aime trop mon repos, et je ne suis pas si sot de me faire pour des mots un sol de mélancolie. Quand il pleut, je laisse pleuvoir. Quand il tonne, je barytone. Et quand elle crie, je ris. Pourquoi ne crierait-elle pas ? Aurais-je la prétention de l’en empêcher, cette femme ? Je ne veux pas sa mort. Où femme y a, silence n’y a. Qu’elle chante sa chanson, moi je chante la mienne. Pourvu qu’elle ne s’avise pas de me clore le bec (et elle s’en garde bien, elle sait ce qu’il en coûte), le sien peut ramager : chacun a sa musique.

Au reste, que nos instruments soient accordés ou non, nous n’en avons pas moins exécuté, avec, d’assez jolis morceaux : une fille et quatre gars. Tous solides, bien membrés : je n’ai point ménagé l’étoffe et le métier. Pourtant, de la couvée le seul où je reconnaisse ma graine tout à fait, c’est ma coquine Martine, ma fille, la mâtine ! m’a-t-elle donné du mal à passer sans naufrage jusqu’au port du mariage ! Ouf ! la voilà calmée !… Il ne faut pas