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Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/273

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autour de nos bâtons. Sur le coup de dix heures, les cloches de la tour se mirent à sonner. Aussitôt, aux deux coins de la place, les deux portes de la maison de ville et de l’église Saint-Martin toutes grandes s’ouvrirent ; et sur les deux perrons (on eût dit des bonshommes d’horloge qui défilent) sortirent, d’un côté, les surplis blancs des curés, de l’autre, jaunes et verts comme coins, les échevins. En se voyant, ils échangèrent par-dessus nous de grands saluts. Puis, sur la place, ils descendirent, précédés, les premiers, des bedeaux enluminés, robes rouges et rouges nez, les autres des huissiers de la ville, bridés, faisant tinter leur chaîne au cou et rebondir leurs longues lattes sur le pavé. Nous, rangés tout autour de la place et le long des maisons, nous dessinions un rond ; et les autorités, juste au milieu placées, figuraient le nombril. Tout le monde était là. Point de retardataires. Les chicanous, les basochiens et le notaire, sous la bannière de saint Yves, l’homme d’affaires de Notre Père, et les apothicaires, mires et médecins, fins connaisseurs d’urine (chacun hume sa vigne), et donneurs de clystères, sub invocatione de saint Cosme, qui rafraîchit les entrailles du paradis, formaient autour du maire et du vieux archiprêtre une garde sacrée, la plume et la seringue. De messieurs les bourgeois, un seul manquait, je crois : c’était le procureur, représentant du duc, mais mari de la fille de Maistrat l’échevin, et bon Clamecycois, ayant chez nous son bien, qui sagement, instruit de ce qu’on allait faire et ne craignant rien tant que de