Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/278

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de Balthazar ; et depuis, on la nomma Balduc). Mais qu’importe ? C’est la foi qui sauve. Les portraits du bon saint Éloi, de saint Nicolas ou de Jésus sont-ils plus vrais ? Pourvu qu’on croie, on voit partout celui qu’on veut. Il faut un dieu ? Il me suffit, s’il me plaît, d’un morceau de bois, pour le loger, lui et ma foi. Il fallait un duc, ce jour-là. On le trouva.

Devant les bannières inclinées, le duc passa. Puisque le pré était a lui, il y entra. Et nous, pour l’honorer, nous lui fîmes escorte, tous, étendards au vent, tambours battants, trompettes et musettes, et le Saint-Sacrement. Qui l’eût trouvé mauvais ? Seul, un mauvais sujet du duc, un esprit chagrin. Mi-figue, mi-raisin, fallut bien que le capitaine le trouvât bon. Il n’avait que le choix entre arrêter le duc, ou se joindre à la suite. Il emboîta le pas.

Tout allait pour le mieux, lorsqu’on fut sur le point d’échouer, près d’arriver au port. À l’entrée, saint Éloi heurta saint Nicolas, et saint Joseph se prit de bec avec sa belle-mère. Chacun voulait passer le premier, sans souci de l’âge, des égards de la galanterie. Et comme, ce jour-là, on était tous venus, prêts au combat et d’humeur guerrière, les poings nous démangeaient à tous. Heureusement, moi qui suis à la fois de saint Nicolas par mon nom, et de Joseph et d’Anne par ma profession, sans parler de mon frère de lait, saint Vincent, qui tette le raisin, moi qui suis pour tous les saints, pourvu qu’ils soient pour moi, j’avisai un chariot de vendange qui passait sur la route et Gambi, mon compain, titubant à côté, et je criai :