Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/291

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moments où l’on est plus méchant, on se dit, elle ou moi, une bonne drôlerie, et l’on rit ; il n’est pas moyen de s’empêcher. Et tout est à recommencer.

Lorsqu’elle eut bien secoué le battant de sa langue (depuis un long moment, moi je n’écoutais plus), je lui dis :

— À présent, sonnons le couvre-feu. Nous reprendrons demain.

Elle me dit :

— Bonsoir. Tu ne veux donc pas ?…

Bouche close.

— Orgueilleux ! Orgueilleux ! redit-elle.

— Écoute, ma mignonne. Je suis un orgueilleux, un Artaban, un paon, tout ce que tu voudras. Mais dis-moi franchement : si tu étais à ma place, que ferais-tu ?

Elle réfléchit et dit :

— J’en ferais autant.

— Tu vois bien ! Là-dessus, baise-moi, bonne nuit.

Elle m’embrassa en rechignant, elle s’en alla en marmonnant :

— C’est-y pas malheureux d’avoir reçu du Ciel deux caboches pareilles !

— C’est cela, dis-je, fais-lui la leçon, ma belle, à lui et non à moi.

— Je la ferai, dit-elle. Mais tu n’en seras pas quitte.

Et je n’en fus pas quitte. Le lendemain matin, elle recommença. Et je ne sais pas quelle fut la part du Ciel. Mais la mienne était belle.

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