Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/60

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de frondes à ficelle, de bâtons refendus… attrape ci, attrape ça, vlan dans le tas !… Et nos singes hurlaient de rire ; et furieux, les lapidés juraient de les exterminer. On nous cria que le premier des polissons qui sur les murs montrerait le bout de son nez serait arquebusé. Nous promîmes de les surveiller ; mais nous avions beau leur allonger les oreilles et leur faire la grosse voix, ils nous filaient entre les doigts. Et le plus fort (j’en tremble encore) fut qu’un beau soir j’entends un cri : c’était Glodie (non ! qui l’eût dit !), cette eau qui dort, sainte-nitouche, ah ! la mâtine ! mon trésor !… qui du talus dans le fossé venait de faire le plongeon… Dieu bon, je l’aurais fouettée !… Sur les murs je ne fis qu’un bond. Et tous, penchés, nous regardions… L’ennemi aurait eu beau jeu, s’il eût voulu de nous pour cibles ; mais, comme nous, il regardait au fond du fossé ma chérie, qui (la Sainte Vierge soit bénie !) avait roulé douillettement comme un chaton, et, sans autrement s’effarer, assise dans l’herbe fleurie, levait la tête vers les têtes qui se penchaient des deux côtés, leur faisait la risette et cueillait un bouquet. Tous lui riaient aussi. Monseigneur de Ragny, le commandant de l’ennemi, défendit que l’on fît aucun mal à l’enfant, et même il lui jeta, brave homme, son drageoir.

Mais pendant qu’on était occupé de Glodie, Martine (on n’en finit jamais avec les femmes), pour sauver sa brebis, tout le long du talus dégringolait aussi, courant, glissant, roulant, la jupe jusqu’au cou retroussée et montrant à tous les assiégeants, fière-