Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/62

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Saint-Pierre-du-Mont comme un serpent il s’allongea. Il semblait une épée dont la pointe était une torche, avec des langues de fumée. Et une main tenait le manche, dont les cinq doigts se terminaient par des têtes hurlantes. On distinguait à l’annulaire une femme dont les cheveux flottaient au vent. Et la largeur, à la poignée de l’épée, était d’un empan ; sept à huit lignes, à la pointe ; trois lignes et deux pouces, en son milieu, exactement. Et sa couleur était sanglante, violacée, tuméfiée, ainsi qu’une blessure au flanc. Toutes nos têtes, vers le ciel, la bouche bée, étaient levées ; on entendait claquer les dents. Et les deux camps se demandaient lequel des deux était visé par le présage. Et nous étions bien convaincus que c’était l’autre. Mais tous avaient la chair de poule. Excepté moi. Je n’eus point peur. Il faut dire que je ne vis rien, j’étais couché depuis neuf heures. M’étais couché pour obéir à l’almanach : car c’était la date indiquée, afin de prendre médecine ; et où qu’on soit, quand l’almanach commande, je m’exécute sans réplique : car c’est parole d’Évangile. Mais comme on m’a tout raconté, c’est comme si je l’avais vu. Je l’ai noté.



Après que la paix fut signée, ennemis et amis, ensemble on banqueta. Et comme était venue alors la Mi-Carême, jeûne rompu, on s’en donna. Des villages des environs nous arrivèrent à foison, pour fêter notre délivrance, les mangeailles et les man-