Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

signait, sacrait, croyait que le diable était lâché dans son jardin, l’exorcisait et, de rage, embusqué derrière son volet, arquebusait l’Esprit Malin. Il n’en était point dupe d’ailleurs tout à fait. Car lorsqu’il avait tué le diable, il le mangeait.

Tout en causant nous arrivâmes.

Brèves semblait dormir. Les maisons sur la route bâillaient, portes ouvertes, au soleil du printemps, et au nez des passants. Aucun visage humain, qu’au rebord d’un fossé le derrière d’un marmot, qui se donnait de l’air et qui faisait de l’eau. Mais à mesure que Paillard et moi, nous tenant par le bras, avancions en devisant vers le centre du bourg, par le chemin jonché de pailles et de bouses, montait un ronflement d’abeilles irritées. Et quand nous débouchâmes sur la place de l’église, nous la trouvâmes pleine de gens gesticulant, pérorant et piaillant. Au milieu, sur le seuil de la porte entrouverte du jardin de la cure, Chamaille, cramoisi de colère, braillait, en montrant les deux poings à tous ses paroissiens. Nous tâchions de comprendre ; mais nous n’entendions rien qu’un tumulte de voix :

« …Chenilles et chenillots… Hannetons et mulots… Cum spiritu tuo… »

Et Chamaille criait :

— Non ! non ! je n’irai pas !

Et la foule :

— Sacré nom ! Es-tu notre curé ? réponds-nous,