Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/74

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— Des hannetons ! dîmes-nous. Sûrement, quelques-uns te sont restés pour compte. Tu divagues, Chamaille.

— Je ne divague point, cria-t-il indigné. Ah ! cela, c’est trop fort ! C’est moi qui suis en butte à toutes leurs folies et c’est moi qui suis fou !

— Alors, explique-toi en homme pondéré.

— Vous me feriez damner, fit-il en s’épongeant de fureur ; il faudrait que je restasse calme, quand on nous tarabuste, moi et Dieu, Dieu et moi, toute la sainte journée, pour que nous nous prêtions à leurs billevesées !… Or, sachez (ouf ! j’étoufferai, c’est sûr) que ces païens qui se soucient comme d’une guigne de la vie éternelle, et ne lavent pas plus leur âme que leurs pieds, exigent de leur curé la pluie et le beau temps. Il faut que je commande au soleil, à la lune : « Un peu de chaud, de l’eau, assez, pas trop n’en faut, un petit soleil doux, moelleux, enveloppé, une brise légère, surtout pas de gelées, encore une arrosée, Seigneur, c’est pour ma vigne ; arrête, assez pissé ! À présent, il me faut un petit coup de feu… »

À entendre ces marauds, il semblerait que Dieu n’ait rien de mieux à faire, sous le fouet de la prière, que l’âne du jardinier, attaché à sa meule, qui fait monter de l’eau. Encore (c’est le plus beau ! ) ne s’entendent-ils pas entre eux : l’un veut la pluie, quand l’autre veut le soleil. Et les voilà qui lancent les saints à la rescousse ! Ils sont trente-sept, là-haut, qui font de l’eau. Marche en tête, lance en main, saint Médard, grand pissard. De l’autre part, ils ne sont que deux : saint Raymond et saint Dié, qui dis-