Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/73

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— Chamaille, au moins verse du vin !

À ces mots, par miracle, l’orage s’apaisa. Rouge comme un soleil, la bonne figure réjouie de Chamaille se pencha :

— Nom d’un petit bonhomme ! Breugnon, Paillard, c’est vous ? J’allais en faire de belles ! Ah ! les sacrés farceurs ! que ne le disiez-vous ?

Notre homme quatre à quatre dégringole ses marches.

— Entrez ! Entrez ! Bénis ! Çà, que je vous embrasse ! Bonnes gens, que je suis aise de voir figure humaine après tous ces babouins ! Avez-vous assisté à la danse qu’ils faisaient ? Qu’ils dansent tant qu’il leur plaît, je ne bougerai pas. Montez, nous allons boire. Vous devez avoir chaud. Vouloir me faire sortir avec le Saint-Sacrement ! Il va pleuvoir tantôt : nous serions, le bon Dieu et moi, trempés comme des soupes. Sommes-nous à leur service ? Suis-je un valet de ferme ? Traiter l’homme de Dieu en manant ! Sacripants ! Je suis fait pour curer leurs âmes et non leurs champs.

— Ah ! çà, demandâmes-nous, qu’est-ce que tu nous chantes ? À qui diable en as-tu ?

— Montez, montez, dit-il. Là-haut, nous serons mieux. Mais d’abord, il faut boire. Je n’en puis plus, j’étouffe !… Que dites-vous de ce vin ? Certes il n’est point des pires. Croiriez-vous, mes amis, que ces animaux-là avaient la prétention de me faire, tous les jours, faire les Rogations, dès Pâques… Pourquoi pas depuis les Rois jusqu’à la Circoncision ? Et cela, pour des hannetons !