Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/96

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voyage. Dans un petit quart d’heure, on sera de retour.

— Avec ce brigand-là, dit-elle, sait-on jamais !


Neuf heures alors sonnaient. Nous allions en Béyant, le trajet n’est pas long. Mais au pont de Beuvron, on s’arrête en passant (il faut bien s’informer de la santé des gens), pour saluer Fétu, Gadin et Trinquet dit Beau-Jean, qui commencent leur journée, assis sur la chaussée, à regarder l’eau couler. On devise, un moment, de la pluie et du beau temps. Puis, nous nous remettons en route, sagement. On est hommes de conscience, on va par le plus droit, on ne cause avec personne (il est vrai que sur le chemin, nous ne rencontrons personne). Seulement (on est sensible aux beautés de la nature), on admire le ciel, les jeunes pousses du printemps, dans les fossés des murs un pommier fleurissant, on regarde l’hirondelle, on fait halte, on discute la direction du vent…

À mi-chemin, je songe que je n’ai d’aujourd’hui embrassé ma Glodie. Je dis :

— Allez toujours. Je fais les deux chemins. Chez Riou, je vous rejoins.

Quand j’arrivai, Martine, ma fille, était en train de laver sa boutique, à grande eau, sans cesser de jaser, de jaser, de jaser, avec l’un, avec l’autre, son mari, ses garçons, l’apprenti, et Glodie, et deux ou trois commères en plus du voisinage, avec qui elle