Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/97

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riait, à rate que veux-tu, sans cesser de jaser, de jaser, de jaser. Et quand elle eut fini, non de jaser, mais de laver, elle sortit et vida le seau dans la rue, à toute volée. Moi, je m’étais arrêté, quelques pas avant d’entrer, afin de l’admirer (elle me réjouit les yeux et le cœur, quel morceau ! ) et je reçus la moitié du seau sur les mollets. Elle n’en rit que mieux, mais moi bien plus fort qu’elle. Ah ! la belle Gauloise, qui me riait au nez, avec ses noirs cheveux qui lui mangent le front, ses forts sourcils, ses yeux qui brûlent, et ses lèvres encore plus, rouges comme des tisons et gonflées comme des prunes ! Elle allait, gorge nue et bras nus, gaillardement troussée. Elle dit :

— À la bonne heure ! Au moins, as-tu tout pris ?

Je répondis :

— Il ne s’en faut guère ; mais je ne me soucie de l’eau, pourvu que je ne sois pas obligé à la boire.

— Entre, dit-elle, Noé, du déluge sauvé, Noé le vigneron. J’entre, je vis Glodie, assise en court jupon, sous le comptoir tapie :

— Bonjour, petit mitron.

— Je parie, dit Martine, que je sais ce qui t’a fait sortir si tôt de la maison.

— Tu paries à coup sûr, tu connais la raison, tu as sucé son téton.

— C’est la mère ?

— Pardine !

— Que les hommes sont poltrons !