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Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/98

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Florimond, qui entrait, juste, reçut le paquet. Il prit un air piqué. Je lui dis :

— C’est pour moi. Ne t’offense pas, mon gars !

— Il y a part pour deux, dit-elle, ne sois pas si glouton. L’autre gardait toujours sa dignité froissée. Il est un vrai bourgeois. Il n’a jamais admis qu’on pût rire de lui ; aussi, quand il nous voit tous deux, Martine et moi, il se méfie, il épie, d’un regard soupçonneux, les mots qui vont sortir de nos bouches qui rient ! Eh ! pauvres innocents ! Quelle malice on nous prête !

Je dis ingénument :

— Tu plaisantes, Martine ; je sais que Florimond est maître, en sa maison ; il ne se laisse pas, comme moi, damer le pion. D’ailleurs sa Florimonde est douce, docile, discrète, n’a pas de volonté, obéit sans parler. La bonne fille, elle tient de moi qui ai toujours été un pauvre homme timide, soumis et écrasé !

— As-tu bientôt fini de te moquer du monde ! fit Martine à genoux, qui frottait de nouveau (et je te frotte, et je te frotte) les carreaux, les croisées, d’une joie enragée.

Et tout en travaillant (moi, je la regardais faire), nous dégoisions ensemble de bons et drus propos. Au fond du magasin, que Martine remplissait de son mouvement, de son verbe, de sa robuste vie, se tenait rencogné Florimond, renfrogné, pincé, collet monté. Il n’est jamais à l’aise, dans notre société ; les mots verts l’effarouchent, et les saines gauloise-