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GŒTHE :
« MEURS ET DEVIENS ! » (f)


Ce serait une tâche vaine, de prétendre enfermer Gœthe dans le cadre d’un portrait. Nul ne l’a jamais pu. Les livres les plus fameux qui lui ont été consacrés font sentir davantage « l’incommensurable » de sa nature (un mot qu’il affectionnait), et l’incapacité des gens de livres à étreindre ce fleuve. On ne le tient jamais. Lui-même le disait :

— « Quand on me croit encore à Erfurt, je suis déjà à Weimar.[1] »

On peut se servir de lui pour appuyer une thèse. On pourrait aussi bien appuyer l’antithèse. Dans sa pleine vigueur, Gœthe frappait de stupeur les esprits rond-de-cuir, qui croyaient le fixer au point de pensée que lui-même venait d’établir. Il ne se tenait pour attaché à rien de ce qu’il avait conclu ; il jugeait, se déjugeait avec désinvolture, passait, en quelques minutes, par toute la gamme des points de vue diffé-

  1. 1806. À Johanna Schopenhauer