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l’aube

tant de bien ! Il se serait senti moins seul. — Il s’endormit, et, le lendemain, n’y pensa plus.

Quelques semaines après, un des gamins avec qui il jouait dans la rue, ne vint pas à l’heure habituelle. Un du groupe dit qu’il était malade ; et l’on s’accoutuma à ne plus le voir aux jeux : on avait l’explication, c’était tout simple. — Un soir, Christophe était couché ; il était de bonne heure ; et du réduit où était son lit, il voyait la lumière dans la chambre de ses parents. On frappa à la porte. Une voisine vint causer. Il écoutait distraitement, se contant une histoire suivant son habitude ; les mots de la conversation ne lui arrivaient pas tous. Brusquement, il entendit la voisine qui disait qui « il était mort ». Tout son sang s’arrêta ; car il avait compris de qui il s’agissait. Il écouta, retenant son souffle. Ses parents s’exclamaient. La voix bruyante de Melchior cria :

— Christophe, entends-tu ? Le pauvre Fritz est mort.

Christophe fit un effort, et répondit d’un ton tranquille :

— Oui, papa.

Il avait la poitrine serrée comme dans un étau.

Melchior revint à la charge :

— Oui, papa. Voilà tout ce que tu trouves à dire ? Cela ne te fait pas de peine ?

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