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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 1.djvu/141

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l’aube

pas à manger de tout le jour, de tout le mois, qu’il n’eût joué tous ses exercices, sans en manquer un seul. Il le poussa dehors d’un coup de pied au derrière, et fit battre sur lui la porte.

Christophe se trouva dans l’escalier, le sale et obscur escalier, aux marches vermoulues. Un courant d’air venait par le carreau brisé d’une lucarne ; l’humidité suintait sur les murs. Christophe s’assit sur une des marches grasses ; son cœur sautait dans sa poitrine, de colère et d’émotion. Tout bas, il injuriait son père :

— Animal ! voilà ce que tu es ! Un animal… un grossier personnage… une brute ! oui, une brute !… Et je te hais, je te hais… oh ! je voudrais que tu fusses mort, que tu fusses mort !

Sa poitrine se gonflait. Il regardait désespérément l’escalier gluant, la toile d’araignée que le vent balançait au-dessus de la vitre cassée. Il se sentait seul, perdu dans son malheur. Il regarda le vide entre les barreaux de la rampe… S’il se jetait en bas ?… ou bien par la fenêtre ?… Oui, s’il se tuait pour les punir ? Quels remords ils auraient ! il entendait le bruit de sa chute dans l’escalier. La porte d’en haut s’ouvrait précipitamment. Des voix angoissées criaient : « Il est tombé ! il est tombé ! » Les pas dégringolaient l’escalier. Son père, sa mère, se jetaient sur son corps en pleurant. Elle sanglo-

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