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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 1.djvu/156

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Jean-Christophe

tômes d’amour, pour remplir le vide qu’elle-même avait creusé. Le petit Christophe était éperdu d’émotion. Il y avait des mots, des gestes, des phrases musicales, qui le mettaient mal à l’aise ; il n’osait plus lever les yeux, il ne savait pas si c’était mal ou bien, il rougissait et pâlissait tour à tour : il en avait, par moments, des gouttes de sueur au front ; et il tremblait que tous les gens qui étaient là s’aperçussent de son trouble. Quand arrivèrent les catastrophes inévitables, qui fondent sur les amants, au quatrième acte des opéras, afin de fournir au ténor et à la prima-donna l’occasion de faire valoir leurs cris les plus aigus, l’enfant crut qu’il allait étouffer ; il avait la gorge douloureuse, comme quand il avait pris froid ; il se serrait le cou avec ses mains, il ne pouvait plus avaler sa salive : il était gonflé de larmes ; il avait les mains et les pieds glacés. Heureusement que grand-père n’était pas beaucoup moins ému. Il jouissait du théâtre avec une naïveté d’enfant. Aux passages dramatiques il toussotait d’un air indifférent, pour cacher son trouble ; mais Christophe le voyait bien ; et cela lui faisait plaisir. Il faisait horriblement chaud, Christophe tombait de sommeil, et il avait très mal où il était assis. Mais il pensait uniquement : « Y en a-t-il encore pour longtemps ? Pourvu que ce ne soit pas fini ! » — Et brusquement, tout fut fini, sans

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