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l’aube

qu’il comprît pourquoi. Le rideau tomba, tout le monde se leva, l’enchantement était rompu.

Ils revinrent dans la nuit, les deux enfants ensemble, le vieux, et le petit. Quelle belle nuit ! Quel calme clair de lune ! Ils se taisaient tous deux, ruminant leurs souvenirs. Enfin le vieux lui dit :

— Es-tu content, petit ?

Christophe ne pouvait pas répondre ; il était encore tout intimidé par son émotion, et il ne voulait pas parler, pour ne pas briser le charme ; il dut faire un effort, pour murmurer tout bas, avec un gros soupir :

— Oh ! oui !

Le vieux sourit. Après un temps, il reprit :

— Vois-tu quelle chose admirable est le métier de musicien ? Créer de tels êtres, ces spectacles merveilleux, y a-t-il rien de plus glorieux ? C’est être Dieu sur terre.

Le petit fut saisi. Quoi ! c’était un homme qui avait créé tout cela ! Il n’y avait pas songé. Il lui semblait presque que cela s’était fait tout seul, que c’était l’œuvre de la nature. Un homme, un musicien, comme il serait un jour ! Oh ! être cela un jour, un seul jour ! Et puis après… après, tout ce qu’on voudra ! mourir, s’il faut ! Il demanda :

— Qui est-ce, grand-père, celui qui a fait cela ?

Grand-père lui parla de François-Marie Hassler,

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