Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 1.djvu/170

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Le brillant météore, qui avait passé un soir dans le ciel de la petite ville, eut une influence décisive sur l’esprit de Christophe. Pendant toute son enfance, ce fut le modèle vivant, sur lequel il eut les yeux fixés ; et c’est à son exemple que le petit homme de six ans décida, lui aussi, qu’il écrirait de la musique. À vrai dire, il y avait longtemps déjà qu’il en faisait sans s’en douter ; et il n’avait pas attendu, pour composer, de savoir qu’il composait.

Tout est musique pour un cœur musicien. Tout ce qui vibre, et se meut, et s’agite, et palpite, les jours d’été ensoleillés, les nuits où le vent siffle, la lumière qui coule, le scintillement des astres, les orages, les chants d’oiseaux, les bourdonnements d’insectes, les frémissements des arbres, les voix aimées ou détestées, les bruits familiers du foyer, de la porte qui grince, du sang qui gonfle les artères dans le silence de la nuit, — tout ce qui est, est musique : il ne s’agit que de l’entendre. Toute cette musique des êtres résonnait en Christophe. Tout ce qu’il voyait, tout ce qu’il sentait se muait en musique, sans qu’il s’en aperçut. Il était comme

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