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LA FIN DU VOYAGE

— Il y a plusieurs semaines, aux concerts Chevillard, je vous ai aperçu ; j’étais avec ma mère, à quelques fauteuils de vous ; je vous ai salué ; vous m’avez regardé de travers, en fronçant le sourcil, et vous ne m’avez pas répondu.

— Moi, je t’ai regardé ?… Mon pauvre petit, tu as pu penser ?… Je ne t’ai pas vu. J’ai les yeux fatigués. Voilà pourquoi je fronce le sourcil… Tu me crois donc bien méchant ?

— Je crois que vous pouvez l’être aussi, quand vous voulez.

— Vraiment ? dit Christophe. En ce cas, si tu pensais que je ne voulais pas te voir, comment as-tu osé venir ?

— Parce que moi, je voulais vous voir.

— Et si je t’avais mis à la porte ?

— Je ne me serais pas laissé faire.

Il disait cela, d’un petit air décidé, confus et provocant tout ensemble.

Christophe éclata de rire ; et Georges fit comme lui.

— C’est moi que tu aurais mis à la porte ?… Voyez-vous cela ! Quel luron !… Non, décidément, tu ne ressembles pas à ton père.

Le visage mobile du jeune garçon s’assombrit.

— Vous trouvez que je ne lui ressemble pas ? Mais vous disiez, tout à l’heure ?… Alors,